Culture

Interview : Rudy Kazi Matsika

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➡️ Bonjour, s’il vous plait, présentez-vous pour les lecteurs de Lobamag

Je me présente Rudy KAZI MATSIKA, j’ai 37 ans je suis marié depuis une douzaine d’années et j’ai 6 enfants. Je suis issu d’une famille qui s’est voué corps et âme pour la République du Congo. Mon Grand-père, Aimé Matsika, était leader de l’Union de la
Jeunesse Congolaise dans les années 50 qui s’était investie dans les mouvements indépendantistes. Il a été Député et nommé Ministre à plusieurs reprises. Ma mère, sa fille, feu Aimée Pélagie Matsika était mariée à Christophe Moukouéké lui aussi
ancien Député et ancien Ministre. Je suis né et j’ai grandi en France en banlieue parisienne dans les années 80, je suis donc de la génération des années Mitterrand. J’ai été élevé par mes grands-parents dans
un certain amour nostalgique du Congo, rythmé par les musiques de Franklin Boukaka ou des Bantous de la Capitale et les récits des jeunes années insouciantes de mes grands-parents. Bien que mon Grand-père ait lutté pour l’indépendance du Congo au détriment de la France j’ai été éduqué dans le respect de ce grand pays. Ce qui peut sembler paradoxal mais cette génération portant des idéaux émancipateurs pour l’Afrique s’inscrivait dans une logique humaniste et non fanatique. Le Congo c’est aussi mon enfance (non pas uniquement pour les
vacances), c’est une partie de ma scolarité notamment au collège Dom Helder Camara
à Brazzaville

➡️ Parlez-nous de votre rôle en tant que conseiller municipal, et du travail que vous accomplissez.

En tant que Conseiller Municipal, je suis investi dans l’Enfance-Jeunesse de ma commune, je porte des projets pour la jeunesse et je fais le lien entre la jeunesse en difficulté sociale et ma municipalité. Je suis aussi Vice-président et Porte-parole du Collectif des Elus Binationaux de France en charge notamment des relations publiques (institutions, presse etc.)

➡️ Pourquoi avez-vous fait ce choix (en parlant de votre engagement politique)?

Je ne sais si mon histoire familial a joué un rôle important dans mon engagement car j’ai eu une enfance turbulente, toutefois il est certain que ma famille n’est pas étrangère à mon goût pour la politique qui s’est pourtant révélé sur le tard. Car en effet j’ai grandi dans un quartier aux réalités sociales difficiles. Et si la rigueur était prépondérante à la maison (j’ai coutume à dire ironiquement que mon Grand-père dirigeait sa famille comme un parti politique), l’extérieur était une séduction à l’oisiveté et à la délinquance pour certains. Un contexte qui a eu pour incidence de me faire perdre du temps mais qui par ailleurs me donne une certaine expérience de la « vraie vie » et de l’humain sincère ancrée dans un réel difficile.
Ma période au Congo est aussi constitutive de mon réalisme pour la vie et pour l’humain, l’Afrique c’est une atmosphère vivante, des âmes franches, des senteurs et des saveurs uniques au monde, un rapport à la terre spécial mais c’est aussi des antagonismes violents… J’ai vécu tout cela et cela a nourri ma vision du monde et de l’homme. Une volonté
de donner par compassion et pour une unité qui dépasse les différences et les différents.

➡️ En tant que français d’origine congolaise/africaine, quelles sont les difficultés rencontrées ?

La France est un Grand pays qui révèle un passionnant paradoxe pour les férus de droit constitutionnel mais qui peut sembler désastreux pour d’autres. Lorsque l’on est français d’origine africaine, donc noir, il existe des réalités sociales tels que des discriminations à l’embauche, discriminations au logement, discriminations ordinaires et même des discriminations à l’accès au prêt bancaire selon les travaux sérieux de plusieurs organismes d’étude qui viennent traduire statistiquement le ressenti de français « noirs » et de résidents africains de plusieurs générations. Le paradoxe que j’évoque tantôt réside dans la constitution française de 1958 qui déclare en son article 1er alinéa 1 que la France « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans
distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances » etc. Cette constitution si chère au Général De Gaulle constitue des valeurs fortes pour ma Nation en droit, mais en l’espèce lorsque vous voyez que, d’après Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), 71% des noirs originaires d’Afrique subsaharienne et des DOM, subissent plus de discriminations que le reste de la population français. Ou bien qu’en 2019 il y a eu une augmentation de 38% des actes racistes (d’après le Service central du renseignement territorial) vous réalisez qu’il existe une dichotomie entre la loi et son application, entre le souhait et la pratique, entre l’idéal et la réalité. Pour autant, je pense que l’objectif de la constitution, aussi utopique soit-il auprès des plus critiques, est une vision à poursuivre et un miroir dans lequel il faut se mirer pour ne pas se perdre ce qui me rend confiant dans l’avenir du pacte républicain.

➡️ Quel lien avez-vous aujourd’hui avec le Congo ? Des projets ?

Mon lien avec le Congo est aujourd’hui un lien d’amour, un lien familial et empreint de nostalgie. Je suis désireux de pouvoir aider les pouvoirs publics dans leurs tâches de quelque manière que ce soit notamment sur les questions liées à sa jeunesse, à son présent et à son avenir. Car si en 2050 la jeunesse africaine sera la plus importante au monde, l’objectif est d’arriver à cet horizon avec une jeunesse qualifiée, diplômée et bénéficiant d’un espace économique lui permettant de se réaliser en Afrique et pour le bien de l’Afrique. En 2050 la richesse de l’Afrique et notre cher Congo ne sera plus les matières premières mais la matière humaine, jeune, fougueuse et pleine de rêves. Ne la décevons pas, aidons-la à réussir.

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